Un enfant traînait dans les rues, errait, volait de la nourriture dans les magasins. C'était dans les années 60. Tout le monde dans la grande ville russe de Pétrograd connaissait ce garçonnet. Il essayait de survivre en volant car il n'avait pas le sou. Puis, un jour, il fut repéré par un groupe de musiciens dans la rue. C'était des tziganes de Mongolie, des gitans.
Il s'intégra dans leur troupe et faisait le pitre dans la rue. Il s'appelait Alexandrovitch Pétrovnav et était russe, né de parents pauvres qu'ils l'avaient abandonnés à la naissance. Il avait beaucoup de talent et un don ce garçonnet: faire rire et était très manuel mais il ne le savait pas encore. N'empêche qu'il pouvait gagner quatre sous avec ses gitans en faisant le clown dans la rue. Il se maquillait lui-même dans la caravane des gitans où il vivait et y dormait. Un jour, il se maquillait en chat et devait miauler, un coup aboyer comme un chien , un coup le cochon, une autre fois le mouton, la chêvre, tous les animaux de la ferme.
Mais, les gitans lui prenait tout son argent et il était toujours aussi pauvre qu'avant. Alexandrovitch faisait la manche et les gitans le savaient, loin de la ville, dans un village voisin et lui reprenaient son argent, lui ne comprenait pas. Il savait que c'était des tziganes mais de Russie et non de Mongolie. Il ne savait donc pas que c'était de vrais gitans.
Il fallut que cela soit une jeune fille tzigane gitane qui lui expliqua seulement. . Au début, ils étaient devenus amis, puis, loin des caravanes dans un bunker, ils flirtaient ensemble. Elle soulevait sa jupe et lui montrait ses atouts féminins, il lui caressait les seins jusqu'au jour où le père de la jeune fille le sut et l'annonca au chef redoutable des Gitans qui menaçèrent le petit Alexandrovitch et le renvoyèrent sur le pavé où il y dormait désormais.
Un jour proche, un homme de cirque de Russie vint à lui et lui annonca qu'il cherchait un pitre comme lui pour son cirque à Pétrograd en échange d'un peu d'argent et d'un toit. Le gamin était si doué qu'il monta en grade. Il devint cavalier de cirque et dresseur de tigres alors qu'au début, c'était un simple clown ou cracheur de feu voire même un mendiant.
Il n'était jamais allé à l'école et parlait d'une langue anciennement russe, était analphabète ne sachant ni lire ni écrire ni compter. Mais, il était très manuel.
Alexandrovitch rencontrait de grandes personnes plus ou moins riches et un jour, il fit à nouveau une heureuse rencontre: un homme était fasciné par ses traits comiques, son sourire facétieux, son visage coquin, son image de vaurien et de voyou et ses prouesses dans le domaine du cirque. Il était précepteur et voulait l'héberger dans sa famille sous son toit à ses dépens sans qu'il paye aucun sou. Tout était à la charge du précepteur et il l'éduquerait.
Alexandrovitch accepta la chance de sa vie après que le précepteur ait vainement insisté.
Il ne voulait que peindre, dessiner, faire des choses techniques et artisanales originales simples au départ puis compliquées par la suite. Sans le dire, il voulait être un artiste peintre à part entière. Il finit par dire tout ce qui étaiten lui, ému, en pleurs, en souffrance devant son précepteur et ses feuilles de calcul.
Le précepteur accepta le challenge et le considéra comme sonpropre fils. Entre temps,les années avaient passé et nous étions en 1990 et Pétrograd était devenu Saint-Pétersbourg. ;
Il lui apprit la calligraphie chinoise, l'origami (l'art du pliage japonais) et tous les arts et métiers techniques comme la menuiserie, l'ébénisterie, le ramonage pour les cheminées l'hiver( poncer, scier, couper du bois , faire des porte-stylos en allumettes l'avait bien plu, il en avait conservé dans sa chambre plusieurs d'entre eux de coloris différents). Il savait aussi rempailler des chaises et faire des fauteuils. Il connaissait le métier de cordonnier autant pour raboter des chaussures et faire une copie de clés. Il savait recoller des fenêtres en bois. Alexandrovitch était artisan et artiste peintre.
Il avait sa chambre encombrée de tableaux qu'il avait peints en gris et noir et un peu de blanc. Il aimait le gris car entre le blanc et le noir il y avait le gris. Du coup, son précepteur lui loua une chambre de bonne et le fit travailler dans une entreprise de menuiserie pour avoir un travail, un vrai métier.
Il passait comme marchand ambulant dans toute la ville pour le ramonage durant le mois de novembre. Son père lui avait fait faire un stage de ramonage et il ramonait les cheminées des maisons. Ildonnait les devis et les factures car mine de rien il avait acquis des connaissances en Mathématiques ( comme résoudre un problème simple), il savait maintenant comptait sa monnaie et parlait correctement le Russe. Il paraissait plus confiant.
Et le reste de son temps libre, il peignait de grands tableaux envahissants tout gris, blanc, noir. Il était devenu doué maintenant. Et le précepteur l'avait un peu "relâché la ceinture"! Ilvendait ses tableaux et savait se vendre comme le lui avait enseigné son précepteur. Il s'était fait des amis artistes russes, allant à des vernissages, avait un appartement à lui grâce aux sous de son précepteur qui croyait vraiment à cet homme qui l'avait vu grandir enfant et qu'il l'avait adopté. Il l'avait recueilli car il était marié à une femme stérible et lui aussi comble de la malchance. Alexandrovitch gagnait bien sa vie. Un jour,il fit même une exposition dans une galerie de tous ses tableaux. Ce fut un succès et il put s'acheter un local qu'il arrangea selon ses goûts dans Saint6Pétersbourg. Il était donc directeur d'une galerie d'art et faisait commerce de ses tableaux avec ses confrères. Il marchandait des prix. Il avait passé des annonces, des publicités dans les journaux et était même passé à la télévision plusieurs fois. Il avait son propre site internet.
Et le petit garçonnet des gitans était oublié. Mais, son gros défaut, c'est qu'il fumait beaucoup et surtout des cigarettes brunes sans filtres. A cinquante ans, il toussait, crachait du sang noir, montait les escaliers avec difficultés. Jusqu'au jour où il eut une grosse boule dans la gorge qui grossissait chaque jour à tel point qu'il se fit hospitalisé. C'était une tumeur à la gorge. Il lui restait moins d'un an à vivre d'après les médecins. Il était en phase terminale. Le temps passa vite et lentement cette année-là, il voyageait beaucoup aux U.S.A. ,au Canada, dans le reste de l'Europe, en Australie, enPolynésie française, en Chine,au Japon, à l'Himalaya. Seuls les pays pauvres ne l'intéressait pas. Puis, un jour, il fut pris d'une attaque cardiaque et mourut à Paris sans enfant et sans épouse.