j'étais un chat errant, mourant de faim et de soif. Je buvais dans les caniveaux le peu que je pouvais et j'attendais tous les matins que le balayeur ouvre la vanne d'égout. Je mangeais des rats et des souris que je déchiquetais en mille morceaux.
Il y avaitune chatte rousse dans le quartieret j'essayais de lui sauter dessus. Elle, frigide, ne répondait pas. Tous les matins, le vieillard lui donnait à manger en mettant une assiette devant la porte ou sous la voiture. Craintive, la chatte n'aimait pas aller sous la voiture.
Ainsi, un jour, pour me venger, et par crauté, je l'avoue, et parce que je mourrai de faim à en avoir des palpitations épouvantables au coeur avec une sensation de chaleur extrême à l'estomac,je lui dévorais son assiette. Je la devançais et mangeais à sa place. Craintive et à la fois sur la défensive, elle fit un cri enragéet je partis en courant car je voyais le maître sortir de sa maisonalors que la minette miaulait tristement. Je me lêchais les babineset avait trouvé le repas délicieux. J'en riais presque d'étouffement. J'étais dans un tel état d'euphorie qu'une voiture failli me renverser.
Je changeai de quartier et je m'enfonçais plus loin dans les ruelles sombres où les voitures ne passaient guère. Je croisai tantôt des petites filles qui voulaient à tout prix me caresser ou m'embrasser le museau. Cependant, leurs mères et leurs pères grondaient leurs enfants en leur disant: "Emma, viens ici!".
Il était vrai que j'étais un très beau chat de gouttière. Parfois, je trouvais des oiseaux morts et les mangeais. C'était un pur régal. Les rats, pour moi était de la nourriture trop grasse.
Après avoir été dans le quartier de la chatte rousse, je m'installai sur une grande place, silencieuse. C'était une zone piétonne. Il y avait beaucoup de librairieset de petites salles de concert de rock. Les libraires ouvraient le matin tandis que d'autres râlaient en voyant un tas debouteilles de bières et de canettes devant leur magasin car les poubelles étaient trop pleines. Des fois, on trouvait même des seringues. Je n'aimais pas trop ce quartier, trop calme le matin, trop bruyante la nuit. Je commençais à regretter que la chatte rousse m'ait chassée. Et je savais que dès le premier jour, je serai mal accueilli car je vis dès mon arrivée, un gros chat noir. Je ne m'attardais pas trop logtemps à cet endroit, en effet, le gros matou noir, la veille,me poursuivit toute la nuit.
Ilm'avait griffé à la joue et avait manqué de me crever un oeil. Il m'avait aussimordu. Décidément, je ne faisais que voyager.
Enfin, j'arrivais dans un quartier où je ne vis que des chats. Surpris, je trouvais cela très comique. Je pouvais ainsi me faire des amis. J'étais ravi. Il y avait des chats de toute race. Je me fis un ami: on traînait dans les rues ensemble. C'était un gros matou noir vif, qui se serait sacrifié pour me défendre. Je trouvais à mon goût une chatte blanche et noire qui fit une portée de six chatons grandissant peu à peu. Dans le village des chats, on était tous solidaires: pas tout le monde ne pouvait y entrer. Mon copain et moi avions déjà de longues moustaches de vieillards.
On vieillissait et monami n'arrivait plus très bien à se déplacer. Il tomba malade et mourut. Je fus consternée quand je le vis mourir et me rappelai de tous nos moments de jeunesse. J'étais de nouveau seul mais je restais dans le royaume des chats. Un jour, j'entendis, des adolescents qui semblaient regarder mon oeil que j'avais perdu lors d'une bagarre avec un chat d'un quartier voisin. Cela m'agaçait. J'avais beau changé d'endroit, je les entendais au loin.
Enfin, alors que j'entendais derrière le buisson des pas et de l'agitation et alors que je n'aurai pas du me trouver à cet endroit, ce jour-là, et que j'hésitai à retourner dans la rue car je souffrai de solitude: j'étais devenu l'un des plus anciens chats du village, je me reçus une grosse pierre dans la tête et ce fut le trou noir.